PLU Métropolitain Nice Côte d'Azur: CURIEUX MANÈGE AUTOUR DES ZONES CONSTRUCTIBLES
Alors que les zones constructibles « augmentent de 300 HA »(*1), de nombreux propriétaires voient leur maison et leurs terrains passer en zone naturelle, de façon arbitraire, avec à la clef une perte de patrimoine immense.
Il y a des points intéressants dans le PLUM (*2) qui vient d'être adopté (*3) par la Métropole Nice Côte d’Azur. Mais ils risquent de passer au second plan pour beaucoup d'habitants. En cause : un immense problème et un curieux manège.
LE PROBLEME DES ZONES CONSTRUCTIBLES
Encore une fois, nous déplorons le peu d'adéquation entre la définition des différentes zones (A, N, U) et le classement des parcelles correspondant. La dernière fois c'était au PLU de Levens, où pour faire du chiffre, on avait passé en zone agricole des cailloux, pendant que des terres arables fertiles étaient classées constructibles.
Cette fois, signe des temps, il faut faire du chiffre de zone naturelle. Alors on supprime des zones constructibles, qui le sont toujours selon les critères du code de l'urbanisme, pour les classer abusivement sous le terme « zone naturelle »
Définition des zones urbaines
« Les zones urbaines U concernent les secteurs déjà urbanisés, et, quel que soit leur niveau d’équipement, dont l’urbanisation est admise et où les équipements publics existants ou en cours permettent d’autoriser immédiatement les constructions, sans que la délivrance des autorisations d’occupation du sol soit soumise à un aménagement particulier.
Elles se composent de 12 grandes zones urbaines U, chacune divisée en zones en fonction de leur vocation » (page 50/ 527 du tome 1 du rapport de la commission d’enquête - voir en fin d'article, note(*4) )
La définition est claire et précise. Pourtant des lieux, des habitations qui correspondent exactement à ces critères ne se retrouvent plus en zone urbaine mais en zone naturelle.
Pas quelques uns, qui n'auraient pas bien compris que l'intérêt général conduit à devoir accepter qu'on les dépossède de la valeur de leur patrimoine, non, près d’un millier d'habitants de la Métropole a découvert pendant l'enquête publique que leur maison, leur terrain n'étaient plus en zone constructible.
Ils sont intervenus, ont monté des dossiers (certains via un avocat), ils ont décrit la situation de leur bien, afin de faire valoir ce qui leur apparaissait comme une erreur.
A l'heure actuelle il nous est impossible de faire le bilan sur les 49 communes concernées, mais ils sont peut être bien plus encore, si l’on compte tous ceux qui n’ont pas réagi pendant l’enquête (absents, pas au courant etc.).
LA COMMISSION D’ENQUETE PARLE DE « SPOLIATION »
La commission d'enquête ayant pris l'ampleur du problème écrit :
« On relève une forte mobilisation du public, avec 874 observations. Ce sujet a profondément affecté les propriétaires qui ressentent une injustice et une privation de leurs biens. Le changement de zonage, rendant souvent leurs terrains inconstructibles n’est pas compris, d’autant que ces modifications visent des secteurs urbanisés disposant de toutes les viabilités avec des investissements de voirie et d’assainissement réalisés par la collectivité́. Pour les propriétaires concernés, ces modifications sont lourdes de conséquences au plan patrimonial (investissements récents, souscription de prêts à rembourser, remise en cause de transmission de biens familiaux,...). Ils vivent cette situation comme un véritable traumatisme » (Tome 3 - CONCLUSIONS et AVIS MOTIVE page 20 /40 - à télécharger en fin d'article note (*7) )
Et plus loin,
« Ce projet marqué par une réduction importante des zones urbaines, sans concertation, a suscité un choc et beaucoup d’inquiétude chez les propriétaires des terrains quant à l’issue de leurs projets, qu’ils soient personnels, familiaux ou professionnels. Les modifications de zonage les ont parfois affectés profondément parce que vécues comme une incompréhension, un sentiment d’injustice et une « spoliation » aboutissant à une dépréciation de la valeur patrimoniale du bien, et in fine à une perte financière. »
ELLE ALERTE,
« La commission alerte le Maître d’Ouvrage sur un nombre important de propriétaires inquiets et angoissés au regard des conséquences des choix du PLUm sur leur situation individuelle.
La plupart ont montré une farouche détermination à faire valoir leurs droits pour conserver l’existant. » (Tome 3 - page 8 /40)
ET DONNE DES AVIS FAVORABLES,
Conformément à ce qu'elle avait annoncé la commission a étudié les observations émises, commune par commune et requête par requête, et a répondu de façon argumentée à chacune d'entre elles. Ce qui représentait un énorme travail ...
Chaque cas soulevé a donné lieu à 3 types d'avis: « favorable », « défavorable » ou « à réétudier avec la Métropole ». C'était donc très clair. Sauf à demander un tableau récapitulatif pour rendre le travail de la métropole plus aisé...
Ainsi lors de la mise en ligne du rapport de la commission d'enquête , sur le site de la métropole mi-septembre, un de ces trois types de réponses apparaît pour chacune des observations relatives à une demande de modification du zonage prévu par le PLUM.(voir les Tomes 2 et 2 bis "analyse générale des observations"- à télécharger en fin d'article, notes (*5) (*6))
Lorsqu'on lit les avis, on constate que les avis favorables sont donnés en fonction de plusieurs critères. Ainsi la propriété était classée en zone U aux documents d'urbanismes précédents (PLU, POS), mais en plus elle était desservie par une route, équipée par les réseaux (eau, électricité, assainissement), était en continuité d'une zone U, ne se trouvait pas en zone rouge des Plans de Prévention des Risques (PPR), ni sur la trame Verte et Bleue, ni en EBC (espace boisé classé).
Bref, en fonction de tout cela, les réponses apportées par la commission d’enquête étaient à même de soulager de nombreux propriétaires.
UNE DES 4 RÉSERVES
Et pour appuyer ses dires, la commission d'enquête, en donnant un avis favorable au PLUM, faisait de cette question l'une des 4 réserves à lever absolument (tome 3, "conclusions et avis motivé", page 37/40).
Il faut rappeler que le non suivi d'une réserve mène tout droit à l’annulation du PLU. De nombreuses jurisprudences vont dans ce sens.
DES AVIS FAVORABLES QU'ELLE DÉMENTIRA ENSUITE
On était à mi-septembre (le 16), et sur le site de la Métropole chacun pouvait lire le rapport complet et les réponses de la commission d’enquête. (document complet à télécharger-notes (*4) à (*7) en fin d’article)
Entre temps, sans que cela ne soit public, la présidente du Tribunal de Grande Instance avait écrit (le 6 septembre) au président de la commission d'enquête pour lui demander, entre autres précisions, de faire la liste des parcelles qui devaient revenir en zone U.
POUR TOUT ESPRIT LOGIQUE, IL SUFFIT DE LISTER, commune par commune, chaque parcelle ayant reçu un avis favorable au retour ou au classement en zone U,
La commission d’enquête va alors établir un "additif aux conclusions et avis motivé" , additif qui sera rendu en date du 25 septembre.
Le PLUM est voté par la Métropole le 25 Octobre, mais l’additif ne sera publié que 15 jours plus tard, le 11 Novembre, sur son site (télécharger cet additif en fin d’article, note (*8), ).
UN CURIEUX MANEGE
Et cet additif n'est pas la liste des parcelles qui avaient reçus un avis favorable. Seulement quelques parcelles sont en U. Les autres ? À la trappe ! Selon quels critères ? Mystère !
On peut voir cette liste pages 4 et 5 de l’additif complément aux conclusions de la Commission d’Enquête » (en lien ici)
Bien sûr tout le monde va se renvoyer la balle, de la responsabilité de ce qui, au dire même de la commission d'enquête, est une « spoliation. »
C'est vrai que l'Etat a demandé le développement des zones Naturelles. C'est un bien devant le bétonnage ahurissant de ces territoires ces dernières décennies et l’envolée spéculative immobilière accompagnée ( le mot est faible…), par la majorité des élus.
Mais que ces rectifications se fassent au détriment des familles c'est un comble. Surtout… quand on ouvre à la construction 300 hectares supplémentaires…
Tous ceux qui ont voté ce PLUM vont dire que ce n'est pas leur faute, que c'est l'Etat qui … C'est un peu facile, il suffisait de ne pas voter le PLUM et de défendre les intérêts de ces citoyens. (voir en fin d’article, la note (*9) , le vote des élus)
Sans doute y aura-t-il quelques bonnes âmes qui vont raconter que ce sont des problèmes personnels et qu'il faut s'incliner devant l'intérêt général …
Quand un problème touche des centaines de personnes, il n'est plus personnel. Et puis quand autant d'arbitraire devient la règle, c'est mauvais signe.
Pour l'instant cela aura fait quelques heureux, les avocats qui vont avoir à défendre des centaines de dossiers .
Les notes et documents téléchargeables:
*1 Christian Estrosi , maire de Nice et président de la métropole Nice Côte d’Azur, à Nice Matin le 7 novembre 2019
*2 Plan Local d’Urbanisme Métropolitain qui concerne les 49 communes des Alpes Maritimes, membres de la Métropole Nice Côte d’Azur
*3 La délibération du 25 octobre 2019, lien ici
*4 Tome 1 du "rapport de la commission d’enquête" , lien ici
*5 Tome 2 « analyse générale des observations » , lien ici
*6 Tome 2 bis « analyse générale des observations » , lien ici
* 7 Tome 3 « Conclusions et avis motivé», lien ici
*8 « Additif au rapport », lien ici
* 9 Le vote des élus