Inondations : la prévention pas à la hauteur

Publié le par les perdigones

 

        Des années 80 à aujourd’hui, le risque inondation s’est accru. En cause climat et urbanisation. Les réglementations ont suivi mais s’avèrent insuffisantes.

 

        « En France, le risque d'inondation touche plus d'une commune sur quatre et représente près de 10 % du territoire national. Il s'agit du principal risque naturel qui expose nos compatriotes à des sinistres répétitifs dont le coût pour les particuliers et la collectivité représente, chaque année, plusieurs milliards de francs et ne cesse de s'alourdir. »

 

        Cette phrase est tirée d’un rapport visant à la création d'une commission d'enquête sur les causes, notamment climatiques, environnementales et urbanistiques, des inondations exceptionnelles afin d'établir les responsabilités, d'évaluer les coûts et de prévenir les crues à répétition. (lien)


        On est en 2001 lorsque cette décision est prise à l’assemblée nationale. Jean Louis Debré, rapporteur, aligne les épisodes dramatiques que la France a connu depuis 1988. Des centaines de milliers de sinistrés, des dizaines de morts, des milliards de dégâts.

Les populations durement frappées sont en prises au désarroi et à la colère. Mais comment en est on arrivé là ?

 


3 OCTOBRE 1988: NÎMES

 

        Il y a 21 ans, le 3 Octobre 1988, Nîmes connaît un épisode orageux particulièrement intense. Le résultat : 11 morts, une ville totalement sinistrée. 

        Pourtant, il n’y a ni rivière ni fleuve dans la cité gardoise, juste des « cadereaux », des ruisseaux à secs qui reçoivent l’eau pluviale lors des orages.

Nîmes n’est pas connue pour être une ville où il pleut beaucoup dans l’année: 770 mm, bien moins que Levens (06) 1100 mm.


        Mais cette nuit là, du 2 au 3 octobre les nuages restent bloqués sur la ville. Et en 7/8 heures on enregistre 266 mm d’eau (station météo de Nîmes Courbessac),  310 mm avenue Kennedy et même 420 mm au Mas de Ponge. Tous ces points ne sont éloignés que de quelques kms.

        Les cadereaux et les rues se transforment en torrents emportant cabines téléphoniques, voitures. L’eau rentre dans les maisons. Ce drame va devenir rapidement celui des français, le maire de l’époque, Jean Bousquet favorisant une médiatisation importante. C’est un moment particulier car les années 80 sont celles où l’on se met à parler des inondations, car celles ci se multiplient.


        « De 1856 aux années 1980, la France semble ne pas connaître d’inondations catastrophiques, du moins pas assez significatives pour infléchir les politiques publiques. La survenue brutale des inondations catastrophiques en France durant les années 1980, 1990 et 2000 a permis la relance de la prévention du risque…». ( voir: « La prévention des risques d’inondation en France : entre approche normative de l’état et expériences locales des cours d’eau » - Anne Tricot -)


SOLIDARITÉ ET DEMOCRATIE DES ANNÉES 80

 

        Face à ces drames la puissance publique prend toute une série de mesures. Ainsi les arrêtés de catastrophes naturelles qui permettent les indemnisations des victimes datent de la loi du 13 juillet 82 (lien)

        Pour connaître comment les assurances indemnisent : lien  et lien


        Les enquêtes publiques (lien) qui font entrer un peu de démocratie et de participation du public avant la réalisation de certains projets datent aussi de cette période. En effet la loi Bouchardeau est votée un an plus tard ; le 12 juillet 1983 (lien)

        La faiblesse de la participation à ce type d’enquêtes est souvent évoquée pour tenter de les minimiser. Les associations font remarquer qu’il suffirait d’accorder plus de poids aux avis du public, pour que celui-ci se manifeste plus. D’autant que la France a signé la convention d’Aarnus (lien) et que celle-ci dit entre autre:    8. «  Chaque Partie veille à ce que, au moment de prendre sa décision, les résultats de la procédure de participation du public soient dûment pris en considération. »

 


LES PPRI EN 1995

 

        Climat, urbanisation, environnement aggravent les risques et les catastrophes se multiplient. 5 à 7 % du territoire français est susceptible d'être inondé, soit environ 10% de la population. Sur les 160.000 km de cours d'eau qui coulent en France, 22.000 km2 serait particulièrement reconnus inondables.  Cela concerne 7.600 communes, soit 2.000.000 de riverains.

 

        La catastrophe de Vaison la Romaine le 22 septembre 1992 fait 21 morts et 40 disparus (lien)

        Une vague de 15 mètres de haut balaie tout sur son passage et notamment le camping installé dans le lit de la rivière, les constructions à proximité.
       Cet événement dramatique et la multiplication des catastrophes naturelles seront à l’origine d’une plus grande réglementation. Ainsi les Plans de Préventions des Risques Inondations (loi Barnier du 2 février 1995) qui définissent les zones selon l’aléa et la dangerosité supposée. (lien)

 

        Sept ans après lors d’un débat à l’assemblée nationale le bilan des PPR est tiré et « il n’est pas brillant » (lien)

« L'application des PPR est décevante. Dans son rapport sur la prévention des inondations, la Cour des Comptes constate que le contenu du PPR est souvent lacunaire et imprécis. »

        Lire particulièrement le rapport de la cour des comptes de la page 653 à 658. On y apprend entre autre que malgré les catastrophes qui ont frappées le Gard, les populations ne sont pas moins exposées au risque inondation.

 


LES PPRI CRITIQUÉS

        Lors de ces débats, la commission a entendu l’universitaire et consultant en droit de l'environnement, Christophe SANSON, qui a travaillé au cabinet de Michel Barnier à l’élaboration de la loi qui porte son nom. Il n’est pas susceptible d’être un opposant systématique aux PPR.

       Pourtant il soulève deux critiques.

  • « il existe un risque de les bâcler si l'on en fait trop ». L’Etat qui en a prescrit des milliers aurait t-il choisi la quantité à la qualité ? Il faut savoir que si un PPRI ne voit pas le jour dans une commune à risque, le préfet devient responsable en cas de catastrophe. D’où l’empressement de certains à élaborer un PPRI, même bâclé.

 

  •         La deuxième critique porte sur le rapport des services avec ceux qui vivent à proximité des lieux: « Les services de l'État ne tiennent pas suffisamment compte des connaissances de base de la population. Autrefois, les inondations étaient moins meurtrières et faisaient beaucoup moins de dégâts parce qu'il y avait un bon sens populaire, une mémoire. Depuis le début du siècle, on a considéré que d'autres chantiers étaient plus importants et l'on a perdu la mémoire des inondations.

 

 

        Et cela est particulièrement vrai dans les zones que l’on veut à tout prix urbaniser.

       C’est le cas à Levens où malgré les sollicitations de riverains dans le quartier de l’Orte, il leur a été impossible d’être audité . Il leur a été impossible de montrer les documents qu’ils tenaient à disposition de ceux qui établissaient le PPRInondation. Aujourd’hui ces personnes se battent pour faire rectifier des erreurs (absence de sources, de ruisseaux) et alertent sur les risques qu’il y aurait à imperméabiliser des lieux qui reçoivent directement les eaux d’un bassin versant.

 


DES PLANS DE VÉGÉTALISATION ET DE RETENTION DE L’EAU

         Ce que disent et proposent ces personnes est exactement ce qui a été développé lors de ce débat à l’assemblée nationale par des spécialistes.

        Ainsi parmi les pistes de réflexion, on lit:

  • « La gestion par bassin versant est l'une des questions à poser, de même que celle des écoulements, de l'entretien des berges, des fossés, des haies, des marais, des prairies humides... »

        Autre idée avancée à l’assemblée nationale:

  • « Il faut poser la question de la rétention de l'eau dans les zones urbanisées. La surface de nos villes s'est trouvée imperméabilisée à plus de 70 % depuis trente ans : l'eau ne pénètre plus les sols et vient gonfler les réseaux. Or certaines villes d'Europe ont su établir des plans de végétalisation et de rétention de l'eau, qui permettent de retenir plus de 50 % de l'eau apportée par les précipitations. Nous devons nous inspirer de ces exemples. »

        Oui, mais il y a loin des intentions aux actes. Pourtant les textes ont envisagé les problèmes.

        Il existe même un article 48 de la loi du 30 juillet 2003 qui prévoit que peuvent être créées des servitudes de rétention temporaire des eaux de crue ou de ruissellement par des aménagements permettant d'accroître artificiellement leur capacité de stockage afin de réduire les crues ou les ruissellements dans des secteurs situés en aval. 

 

LOIN DU TERRAIN

 

 

        En 2005, l’État fêtait fièrement son 5000 ème PPRI. Mais les populations sont t-elles pour autant associées à ce travail, souvent fait loin du terrain ?

        Les corrections à apporter se feront t-elles avec les avis des associations ? Rien n’est moins sûr quand on sait que le ministre de la relance P. Devedjan se prononce pour la suppression des enquêtes publiques. (lien)


        Reste que les catastrophes se multiplient et qu’il faudra bien passer à une autre étape ou bien accepter dans notre choix de société, chaque année, des morts et des milliards de dégâts.

        Conséquence de ce phénomène qui prend de l’ampleur, une directive européenne (lien)  va prochainement voir le jour. Il est mis l’accent sur la prévention: « Les États se  concentreront principalement sur la prévention des dommages par exemple en évitant la construction de logements et d'installations industrielles dans les zones déjà exposées, en prenant des mesures visant à réduire la probabilité des inondations ou encore en donnant des instructions au public sur la conduite à tenir en cas d'inondation. »


         Le temps presse semblent dire les observateurs.

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