LEVENS (06) L'AFFAIRE VERT AZUR (2ème partie)
Une association para-municipale, le maire en tant que maire et membre du conseil d'administration de la dite association, et un dessinateur naturaliste, veulent faire condamner lourdement trois associations qui combattent le PLU. Un dossier éclairant sur les mœurs et la gestion de l'argent public.
2ème Partie: Mais qui est Vert Azur?
A 20 km de Nice (Levens) faire un tract peut-il coûter très cher ? 60 000 euros (de provision) comme le demandent le maire de cette commune (Antoine Véran), l'association Vert Azur qui vit pour une part des fonds publics et le dessinateur Gilles Lautussier qui a fait une affiche pour le salon Vert Azur ?
On a vu les faits et ce que dit le droit dans une première partie (voir notre article précédent LEVENS (06) : L'AFFAIRE VERT AZUR (1)
Intéressons nous à ceux qui crient « au voleur ».
LE VERDISSAGE, UNE OPERATION MARKETING
Levens est une commune de près de 3000 hectares qui conserve encore une qualité de vie. Et qui sait la défendre.
Il y a eu de nombreuses tentatives depuis 20 ans pour « s'arranger avec la nature ». On peut citer en vrac:
- Le comblement avec des déchets incontrôlés d'un vallon (lire L’affaire du vallon qui est devenu une décharge et Qui a profité du comblement du vallon de la Gumba ? )
- La tentative de « planter des immeubles » sur le parking public du village,
- La nouvelle tentative de replanter des immeubles n’ importe où, dans des lieux inadaptés, à la Madone comme à l'Orte ou ailleurs...
- Et puis il y eut ce fameux Plan Local d'Urbanisme. Ca été le pompon. On a fait dire aux textes le contraire de ce pour quoi ils existent.
A chaque fois la riposte des habitants a été massive et déterminée. C'est que les gens d'ici, ils y tiennent à leur cadre vert.
Impossible pour tout élu de ne pas entendre. Mais que faire quand on n'est pas porté par ces questions ? On fait ce que beaucoup font: on fait du "greenwashing" ou en français du "verdissage":
- « L’écoblanchiment, ou verdissage, est un procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation (entreprise, administration publique, etc) dans le but de se donner une image écologique responsable. La plupart du temps, l'argent est davantage investi en publicité que pour de réelles actions en faveur de l'environnement. Le terme vient de l'anglais greenwashing. » (définition wikipedia )
Et c'est là que « Vert Azur » intervient.
VERT AZUR EST NÉ EN MAIRIE
L'association Vert Azur et la mairie, c'est une histoire de proximité dés les origines.
L'association s'est créée en octobre 2010, en mairie, et dés le début, c'est un cercle de proches du maire qui la compose.
Elle se donne pour objectif "d'organiser des manifestations liées à la nature et à la mise en valeur de l'espace partagé et protégé " entendez le "Salon Vert Azur", qui se déroule sur le Grand Pré de Levens, un week-end tous les deux ans.
Un salon est, selon la définition du Larousse, « une manifestation commerciale professionnelle permettant périodiquement aux entreprises de présenter leurs nouveautés »
Et c’est bien le cas. Des emplacements sont loués au bénéfice de Vert Azur et leur coût peut monter jusqu’à 120 €.
Une manifestation dont l’entrée est gratuite pour le public, mais dont le stationnement (sur le Grand Pré, « espace protégé » et communal) est payant, au bénéfice de Vert Azur, bien entendu.
Des exposants parmi lesquels on y trouve aussi bien des chasseurs que des armuriers, une ferme pédagogique que du moto-cross, des ventes de produits alimentaires par des producteurs, par des revendeurs, des entreprises commerciales, des professionnels des loisirs ou des associatifs … Sans compter des entreprises qui n’ont qu’un rapport très éloigné avec la nature, comme primagaz, groupama ou husqvarna … Bref un méli mélo d’un peu de tout qui se partage "la nature".
PARTAGE ET PROTECTION DE LA NATURE
"Espace partagé, Espace protégé", ce slogan est beau, et il emporte l'adhésion. Mais au delà de l'opération de communication bien faite qu'en est-il en réalité?
Commençons par le Grand Pré où se déroule la manifestation. Ce lieu est un espace naturel protégé. On y trouve (peut être plus maintenant) des espèces rigoureusement protégées. Et qu'y fait-on? On le défonce à coup de pelle mécanique.
Continuons par le Férion, riche massif boisée entre mer et montagne, poumon vert, qui surplombe le Grand Pré. Petit à petit les constructions l'attaquent par le bas et la transformation en zone agricole (sur de la garrigue) des zones naturelles va les rendre constructibles jusqu'à 1000 m2 au sol sur 13 m de haut.
Le parc national du Mercantour est l'exemple même de l'espace partagé et protégé. On ne peut pas y faire n'importe quoi, n'importe où. Et cela permet à chacun d'emprunter cet espace pour y admirer les merveilles de la nature.
Le beau mot de partage ne signifie pas une consommation destructrice, mais au contraire un respect. Et la société française prenant conscience des dangers du laisser faire ou de la loi du plus fort a réglementé (et oui) les espaces naturels en fonction de leur valeur. Pas de leur valeur commerciale, mais de leur valeur de riche patrimoine naturel.
On pourrait confronter à l'infini ce qu'une municipalité réellement protectrice du cadre de vie pourrait faire et ce que fait ce maire depuis 20 ans (à la tête de la municipalité ou plus récemment à Vert Azur). Par exemple sur la question des terres. Comment parler du bio si on ne préserve pas les terres pour le produire, les terres arables (les meilleures) entre autres ?
La prochaine édition du salon tombera en juin 2014 juste après les municipales de Mars. Après tout c'est sans doute le hasard et il ne faudra voir aucun rapport entre la communication du salon et la campagne du maire sortant. Il faut même être ravis que des thèmes comme l'alimentation bio soient annoncés pour le Salon Vert Azur 2014. Une fois… tous les deux ans.... Alors que le maire refuse toujours un lieu pour les producteurs bio qui vendent toutes les semaines leurs produits à l'AMAP de Levens.
UN CONSEIL D'ADMINISTRATION TRÈS PARTICULIER
Donc Vert Azur, association loi 1901 née en mairie, organise une manifestation commerciale tous les deux ans, et a comme toute association un bureau, un conseil d'administration …
- Et quelle est la composition du conseil d'administration?
- et quel est le financement de l'association ?
Commençons par le conseil d'administration de Vert Azur. En voici quelques représentants :
Antoine Véran (Maire de Levens) ; Yann Véran (fils de…et multi entrepreneur) ; Ghislaine Biccini (adjointe au Maire) et son mari Eric B.(président du comité des fêtes) ; Eric Weigelt (adjoint au maire et responsable de « Vivre Levens » qui mène campagne électorale depuis plusieurs mois pour le candidat maire sortant); Jean Claude Ghiran, (conseiller municipal, ex-délégué à l’ex-communauté d’agglomération NCA, équipe du maire) ; Jean-Pierre Bailet, Christine B, sa femme, Christophe et Hervé B, ses fils ; Pascal Tacconi (chef des services techniques de la mairie), sa femme, Frédérique Mazzerbo, (employée municipale); Danielle Tacconi, (employée municipale récemment retraitée), Jean Louis T, son mari, et d’autres membres de sa famille ; César Luddeni, (ancien premier adjoint, précédemment président des « amis du maire » ) etc. etc.
LES COMPTES DE VERT AZUR
Vert Azur, nous l'avons vu est une association pas tout à fait comme les autres. Elle est de plus largement financée par les deniers publics mais refuse de fournir ses comptes détaillés.
Ainsi le conseil municipal de Levens a alloué en 2012, 10 000 euros de subvention, et le bureau métropolitain où siège le maire : 20 000 euros.
Quand on voit le nombre réduit d'adhérents (23 selon le compte rendu de son assemblée générale 2012) et le peu d'activité de ce groupe (une manifestation tous les deux ans), c'est très généreux.
Généreux avec notre argent à tous. C'est aussi avec notre argent qu'ils se paient les avocats, les procédures. Les attaques contre les associations ADSLevens, Les Perdigones, Levens Avenir peuvent durer longtemps, ils s'en moquent, puisque ce ne sont pas eux qui payent mais nous tous. Et oui, c'est une autre caractéristique fondamentale, ces braves gens utilisent l'argent public pour attaquer d'autres associations qui dérangent le maire.
Mais rappelez-vous les termes de l'assignation d'origine. Selon le maire et ses comparses, le tract leur aurait occasionné des dommages, des pertes financières.
Selon le droit, le juge des référés (celui devant qui l'affaire a été plaidée dernièrement à Marseille) ne peut pas satisfaire la demande des provisions:
- parce que la distribution du tract était finie au moment de la saisie de la justice et que le référé n’avait plus lieu d’être...
- parce que le débat au fond (caricature ou contrefaçon) n'a pas été tranché, et que cela n'est pas de sa compétence
- parce qu'il faudrait avancer des preuves des pertes revendiquées par Vert Azur
- parce que la liberté d’expression est toujours un principe fondamental. Un maire ne peut arguer que des points de vue qui n’ont pas l’hoir de lui plaire, causent des dommages préjudiciables à l’image de sa commune et en demander une réparation financière.
C'est ce que l'avocate de la défense, Maitre Catherine Cohen Seat a soutenu à l'audience du 23 septembre dernier à Marseille.
Par contre elle a demandé au juge d'ordonner à Vert Azur de fournir ses comptes détaillés, comptes qu'elle a toujours refusés de communiquer ...
Jugement sur le référé fin octobre 2013.