Vers la fin des terres fertiles dans les Alpes-Maritimes ?
Catastrophique ! Telle est la situation des terres fertiles dans les Alpes Maritimes. La tendance actuelle conduit même à une proche disparition de l’agriculture dans ce département. Face à l’avancée inexorable du béton, de la spéculation, agriculteurs et citoyens s’organisent. Rencontre…
La situation est critique. Chaque jour, en France, 160 hectares de terres agricoles sont recouverts de béton ou de bitume. Chaque semaine 200 fermes disparaissent. Et la belle région de Provence, le beau département des Alpes-Maritimes participent allégrement à cette hécatombe.
10 000 AGRICULTEURS EN 1970, 600 EN 2007
Les chiffres sont édifiants. Dix Mille agriculteurs dans les Alpes –Maritimes en 1970, six cents en 2007 dont 60% de maraîchers oléiculteurs (360). On est loin, très loin des besoins pour une agriculture de proximité. « Pour nourrir les 4,7 millions d’habitants de PACA, il faudrait 30 000 maraîchers, avec salariés ».
Henri Derepas est maraîcher Oléiculteur à la Trinité. Il fait du bio sur 7 hectares. Il est aussi représentant de la confédération paysanne 06. C’est lui qui décrit la situation. « 58 ans c’est l’âge moyen de l’exploitant agricole de ce département. L’an dernier il y a eu 70 départs et 50 installations, seulement 9 aidées. »
À cette allure là « d’ici 7 ans il n’y aura plus rien ».
Pas besoin de faire de longs discours. Les Agriculteurs qui se succèdent à cette rencontre « citoyenne pour sauver les terres fertiles » parlent d’expérience. De la difficulté d’avoir de l’eau, de l’éloignement des terres entres elles, de la très grande difficulté de trouver des terres.
LES AMAP NE PEUVENT SATISFAIRE LES DEMANDES
Ce 9 mars, la salle de la maison de l’environnement à Nice est comble. A l’initiative d’Alliance Provence (lien), une rencontre (c’est la 2eme en 3 mois) réuni des agriculteurs et des citoyens ; des associations et des élus, la Safer, des techniciens.
Alliance Provence peut présenter la situation au plus près du terrain, c’est le réseau des AMAP en Provence Alpes Côtes d’Azur. Les AMAP (lien) sont des associations qui œuvrent pour le maintien d’une agriculture paysanne. Le succès des paniers de produits de proximité est tel que la demande est loin d’être satisfaite. Mais pour les AMAP de Provence, la solidarité, la relation entre paysans et consommateurs va au-delà du panier . (voir reseau-amap)
LA RESPONSABILITÉ DES ÉLUS.
Comment trouver des terres si les documents d’urbanismes (POS ; PLU) entérinent, favorisent leur disparition ? Comment rendre plus élevée la valeur des terres si l’on ne tient pas compte de leur valeur agronomique ?
Quelques vécus disent combien les élus ne peuvent s’exonérer de leur responsabilité.
Fabrice Leroy est un jeune de 25 ans (un diplôme d’ingénieur en poche) qui a un projet agricole. En un an il a contacté 50 communes. « J’ai eu 50% de réponses, parmi ces réponses 40% de non, et pour les 10% restants, cela a donné lieu à un entretien. Et quand on est reçu, souvent c’est pour nous imposer un projet, pas forcément rentable ».
Autre exemple avec ce couple qui travaille sur 2 hectares de terrains sur les collines niçoises. Deux hectares certes, mais en trois lots distants. Résultat, ils n’arrivent pas à fournir tous leurs clients. Ils voudraient bien acquérir un peu plus, mais c’est dur. «Pourtant nous avons beaucoup de personnes en listes d’attente sur les AMAP ».
Et oui par ces temps de crise, c’est le monde à l’envers, ce marché n’est pas saturé loin de là, c’est la demande qui ne peut être satisfaite.
UN ROND POINT AU MILIEU DE TERRES BIO
Autre expérience, autre difficulté. Cet Agriculteur est à Saint Blaise. Les terres sur lesquelles il travaille (3,5 hectares) d’origine familiale sont les premières (1962) cultivées en bio de la plaine du Var. L’exploitation marche bien ; trois salariés à plein temps, plus un saisonnier. Petit à petit il voit le rouleau compresseur de l’urbanisation tout écraser. Il s’insurge « Selon la Directive Territoriale d’Aménagement DTA, les terres en friches sont protégées. Il n’est pas justifié qu’on les urbanise. » Il signale aussi que selon le code de l’urbanisme « la valeur agronomique des terrains justifie qu’on les préserve ».
Alors quand on installe un rond-point à proximité de ses parcelles de bio, il se bat mais constate que les routes sont plus importantes que la nourriture. Il sera contraint à réduire l’activité, et bien sûr les emplois…
LES LIENS, LA TERRE
« Une terre fertile, c’est une terre cultivée par les hommes ». Cultivée ou cultivable, les terres au repos étant souvent d’une grande richesse. La terre comme lien entre celui qui la travaille et celui qui s’en nourrit voilà qui a inspiré une démarche positive de protection des terres.
Face à la disparition des terres nourricières sujettes à spéculation l’association « Terre de liens » est née en 2003. Elle propose une série d’actions qui permettent un accès au foncier. Elle aide les porteurs de projet en suscitant l’implication de la société civile. Elle interpelle aussi les acteurs politiques, syndicaux, associatifs. (voir )
L’association a crée en 2006 une société foncière qui aide les agriculteurs à s’installer, sort les terres de la spéculation foncière, encourage le développement local de l’agriculture biologique, biodynamique et paysanne (voir )
LE DROIT A LA TERRE OPPOSABLE
Visiblement l’urgence de la situation demande de passer à une vitesse autre pour la défense des « terres fertiles »
Camille Gonzales, responsable départementale de la SAFER (lien) explique son rôle, et argue de sa transparence, et de sa bonne foi pour éviter la spéculation.
L’assemblée est plus que sceptique. Et c’est de la salle que les propositions et les initiatives jaillissent.
« Il existe bien le droit au logement opposable, alors demandons le droit à la terre opposable » dit le représentant de la confédération paysanne.
« Faisons pression sur les élus, faisons signer une pétition départementale pour préserver les terres fertiles » dit cet autre intervenant.
« Nous souhaitons une grande salle à Nice pour réunir les AMAPIENS ceux qui sont sur les listes d’attente, ceux qui sont intéressés» dit la représentante d’Alliance Provence.
Assurément il n’y a que comme cela, que les élus, ceux qui font les lois comme ceux qui aménagent les territoires, prendront en considération cette question.
Dans certaines communes, Villard sur Var par exemple c’est le cas.
Dans d’autres, comme Levens, c’est le contraire. Les terres sont belles, fertiles, il y a de l’eau (l’Orte) mais le maire se bat pour qu’on les bétonne. (lire "des agriculteurs, pas des promoteurs ! et "L'Orte, non à un désastre annoncé" )
Voilà comment disparaissent les terres fertiles.
Un exemple: à Levens, l'Orte - 2hectares et demi -
De tous temps des jardins, arrachés au maraichage par des élus (maire de Levens et Communauté urbaine de Nice) - Ils programment ici un quartier d'immeubles...