XYNTHIA : ENSEIGNEMENTS ET LIMITES D’UNE CATASTROPHE
Le lourd bilan de la tempête Xynthia n’est pas encore définitif. Pendant ce temps le maire de Levens (06) continue le forcing pour que le permis de construire des immeubles sociaux en zone à risque à l’Orte soit accepté. S’il est vrai que les catastrophes sont majoritairement sources d’enseignements et de sagesse, il n’en n’est pas moins vrai que chez certains le déni l’emporte.
L’être moderne est ainsi. Il apprend dans le malheur. Les drames sont souvent plus persuasifs que les discours de bon sens, la raison. C’est triste, mais c’est ce que nous constatons après chaque catastrophe.
DE LA VERTU DES CATASTROPHES
- L’une des premières vertu des catastrophes est de faire ressortir le bon côté de l’être humain. Un être qui se grandit, qui comprend le malheur de son prochain, qui l’aide, qui compatit. Il y a toujours dans ces moments beaucoup de générosité. Que de déclarations louables. Et une quasi communion dans ces périodes de deuil. Cela dure peu. De moins en moins dans nos sociétés. Et pourtant ceux qui ont été touché le sont à jamais.
Les actes sont là, mais pas à la hauteur. D’abord des aides d’urgence « d’un million d’euros », soit l’équivalent d’un rond point… qui deviennent « trois millions », c’est à dire trois peccadilles. Puis arrivent, avec les ministres, les aides spécifiques, cinq millions pour les agriculteurs, 20 millions pour les….
Tout cela est touchant. Insuffisant, mais touchant. Et la suite coutera cher à la collectivité.
« Les assurances rembourseront ». Oui, mais pas tout. Un milliard, deux milliards, trois milliards... Insuffisant, mais cher pour la collectivité.
Les sinistrés découvriront qu’une voiture assurée au tiers n’est pas remboursée. Ils découvriront qu’on ne peut être indemnisé plusieurs fois d’un sinistre dans une même zone à risque etc. (lien ) et (lien)
- La deuxième vertu des catastrophes naturelles, c’est qu’elles n’engendrent pas que morts et désastres. Elles sont aussi l’occasion d’enseignements et réglementations. Tout cela dans l’optique d’en atténuer les conséquences.
Ainsi les inondations de Nîmes en 1988, puis de Vaison la Romaine en 1992 entraîneront la création des Plans de Prévention des Risques inondations. (lien " Inondations : la prévention pas à la hauteur")
Ces plans sont certes un progrès par rapport à une urbanisation totalement sauvage, mais ils montrent aussi les failles de ce système. Ils peuvent faire l’objet de nombreuses pressions, avant et pendant leur mise en application ; ils peuvent être fait trop rapidement sans tenir suffisamment compte de la mémoire des lieux.
En 2001 un gros travail à l’assemblée nationale tire le bilan des PPR. Et « il n’est pas brillant ». Le relire aujourd’hui à la lumière de la tempête Xynthia prend un éclairage particulier. (lien bilan assemblée nationale)
Il faut lire aussi le rapport de la cour des comptes 2009 et surtout les pages 653 à 658. (lien rapport cour des comptes) ) .On y apprend que les communes freinent. L’exemple du Gard, qui est donné, est frappant. Ce département a eu et aura de grosses inondations. Et bien il y a aujourd’hui encore plus de population qui vit dans des zones inondables.
« ON N’AVAIT JAMAIS VU ÇÀ »
À chaque terrible événement, les mêmes phrases « on n’avait jamais vu ça » et les mêmes scènes de désolation. Cette exclamation spontanée des victimes pose problème. Comment prévenir correctement ce qu’ « on n’a jamais vu ». Les normes prises en compte dans les plans sont-elles suffisamment draconiennes ?
Surtout qu’à chaque drame revient le même refrain, « un déchaînement des éléments naturels combiné à une urbanisation inconsidérée ».
Cette phrase « on n’avait jamais vu ça » prononcée en tout lieu dit aussi autre chose. Elle dit que le climat a des caprices qu’on ne connaissait pas.
Elle dit aussi, que cela peut arriver à d’autres endroits. Pas partout certes, mais en des lieux identifiés comme posant problème.
RESPONSABLES ET COUPABLES.
À chaque catastrophe, les médias rencontrent une association, un esprit libre qui avait alerté. De ces gens qui passent leur temps à prévenir, exhumer des documents du passé montrant le lit d’expansion d’un ruisseau, les résurgences d’une nappe phréatique, le territoire d’une mer etc. Ce sont « des emmerdeurs… », pire « des écolos … »; alors que ce qui les guide bien souvent c’est autre chose, un savoir qu’ils ont de ce contact et de ce respect de la nature. Et un grand désintéressement.
En face, oui en face, car il est rare de pouvoir être entendu et de travailler au côté de ceux qui prennent les décisions, il y a ceux qui doivent gérer, les élus. Ceux qui subissent les pressions, des promoteurs, des populations. Presque il faudrait les plaindre. Mais qu’ils fassent autre chose s’ils ne sont pas à la hauteur.
Oui les catastrophes ont un coût, ont plusieurs coûts, humain, matériel, psychologique. Et les responsables, c’est qui ? La faute à pas de chance, la faute à la nature qui a des caprices ?
Tous ceux qui alertent le savent. Il faut se battre, envoyer des dizaines de courriers, faire des tracts, passer des journées à rencontrer des gens qui renvoient sur d’autres, subir des attaques …. Pourquoi ? Par exemple pour essayer de faire prendre en considération que telle zone reçoit beaucoup d’eau de la montagne, que selon ce qu’on y fait, ça va aggraver les risques plus bas. Et il n’y aurait que la nature qui serait responsable ?
Non, les élus qui prennent les décisions alors qu’ils ont été alertés sont responsables. Ils ne peuvent pas dire « on ne savait pas, ce n’est jamais arrivé ».
La mise en danger de la vie et des biens d’autrui est condamnable. Condamnable pénalement. De même que l’aggravation des risques chez autrui.
COMMENT DÉPARTAGER LES PERDIGONES ET LE MAIRE DE LEVENS ?
Messieurs Estrosi, Monsieur le Préfet, Mesdames, Messieurs les élus, vous ne croyez pas ce que disent les Perdigones. Vous faîtes confiance au maire de Levens qui signera le permis de construire de ces immeubles. C’est dans une certaine logique. Sachez cependant que personne, parmi ceux qui ont fait la visite des lieux de l’Orte dans le détail, avec les responsables de l’association, n’a douté un seul instant des problèmes soulevés.
Il y a cependant encore d’autres moyens de savoir si ce que racontent les uns et les autres (le maire responsable et les associatifs irresponsables ) est sérieux ou pas.
Faîtes faire des études sérieuses. Cela coûte cher? Et alors, les catastrophes ne coûtent elles pas plus cher encore ?
Étudiez aussi les nombreuses déclarations de catastrophes inondations de ces dernières années à l’aval des lieux qui doivent être construits. Elles sont en la possession du maire et des services de l’État. Le maire ne dit pas toute la vérité quand il dit qu’il n’y a jamais eu d’inondation à Sainte Claire à l’aval de l’Orte. On l’a déjà écrit il n’y a pas eu de noyé, mais de nombreuses propriétés ont été frappées. Il le sait, puisqu’il a eu entre les mains ces déclarations. Aggraver ce qui a déjà eu lieu serait terrible. On n’ose même pas imaginer ce qu’il adviendrait si la nature avait de ces caprices « qu’on n’avait jamais vu »
LES RISQUES AGGRAVÉS DÈS MAINTENANT
D’autant que, dès maintenant, les risques sont déjà aggravés. Plus haut à hauteur d’un rond point en projet, le ruisseau, large, a été nettoyé, rétréci, busé afin d’être couvert pour recevoir une route. L’eau qui y passe arrivera avec une force et une vitesse pas connue auparavant.
Un peu plus bas un pont qui passe sous la RD19 est bouché aux deux tiers. Il y passe même les canalisations d’eau et d’égout communales. Dix ans d'alerte avec lettres au maire; aux services de l'État et du conseil général 06 n’ont rien changé. Le pont est de plus en plus bouché.
Lorsque l’eau ne va plus pouvoir s’évacuer il se passera quoi ?
Dans un premier temps elle inondera les propriétés limitrophes et la route, comme en 2000, puis si l’eau ne peut s’évacuer assez, il se produira un phénomène d’embâcle voire de rupture d’embâcle. ( lien )
Imperméabilisation des sols, vitesse et quantité accrue de l’eau aggraveront encore les phénomènes naturels parfois capricieux.
En attendant le maire insiste pour mettre dans ce quartier des immeubles « sociaux ».
Et personne ne serait responsable ?