Les Perdigones...à boire et à manger
Les perdigones, du nom d’une prune qui s’est installée dans ce quartier de Levens (06) où il est prévu de stériliser les terres en y coulant du béton à fins de grandes constructions.
Ici le prunier pousse comme du chiendent .
INATTAQUABLE PAR LES VERS
La prune perdigone possède de multiples atouts : bonne à manger en fruit, elle fait d’excellentes confitures et de mémorables eaux de vie. Mais l’une de ses qualités, et non des moindres, est sa résistance aux vers. Voilà la vraie raison du nom de l’association.
COMME LA GORGE DE LA PERDRIX
Dans un historique sur la foire de Digne voilà ce qui en est dit :
« Les produits ne manquent pas ils sont déjà multiples et variés et, plus que la lavande, c'est alors la " prune perdigone " qui a les faveurs du public et qui est la grande spécialité de Digne. Pour votre information, " perdigone " vient de " perdrix " car la couleur de ce fruit est semblable à la couleur de la gorge des perdrix » link
DES GRAINS DE PLOMB ESPAGNOLS
En espagnol, « los perdigones» ce sont les perdreaux, mais aussi les grains de plomb qui garnissent les cartouches. link
UNE PRUNE CONNUE DEPUIS LONGTEMPS
Cette variété de prune est ancienne. On retrouve sa trace dans les écrits d’Olivier de Serres (1539-1619). Voilà ce qu’écrit le père de l’agriculture moderne :
« Là et ailleurs, mesmes en Provence et Languedoc, plusieurs prunes se recueillent de
diverses sortes, dont les principales sont, les trois perdigones, les impériales, les deux royales, les dattes, de Chipre, de Jerusalem, les deux brignons, gros et petit, des quatre dames, blanc, noir, violet, rouge, des trois cathelanes, vertes, blanches, violettes, des medicinales, des damaisines ; par ces noms presques cogneues partout » link
Il n’était pas étonnant de la rencontrer sur les grandes foires et d’y tenir haut rang.
Ainsi Pierre Gassendi (1592- 1655):... De la Vallée de la Bléone viennent ces poires, ces pommes, ces cerises, tous ces fruits délicieux, ces prunes perdigones surtout que les marchands, ceux de BRIGNOLES entre autres, recherchent pour les vendre comme « Brignoles ».
Elle a ainsi fait la renommée de Brignoles dans le Var qui continue de la fêter chaque année (mi-septembre).
Elle est citée par Alexandre Dumas dans son oeuvre comme une prune qui est bonne en compote et qui ne craint pas les vers (on vous l’a dit) et elle était déjà présente dans le "Potager du Roi" à Versailles au XVIIe siècle.
LES PISTOLES DES HAUTES ALPES
Cultivée aussi dans la vallée du Buëch, elle sert à la fabrication des "pistoles", prunes séchées et aplaties, rondes et dorées, comme l'était l'antique pièce de monnaie qui lui a donné son nom.
La fabrication demandait beaucoup de soin.
la pistole était principalement destinée à l'exportation.
la pistole manquée, ou "écarte" à Orpierre, était réservée à la consommation familiale.
Dans la vallée du Buëch , on la comptait parmi les 13 desserts du repas de noël.
Elle est à l'origine d'une chanson ( extraite du très bon livre de Christine Escallier et Danielle Musset : "Pétrir, Frire, Mijoter" Paru aux éditions : "les Alpes de lumière".)
La Chanson des prunes...
A Trescléoux, pendant les vacances,
On fait un drôle de métier
Et je crois que dans toute la France
N'y a pas son pareil pour rigoler
Dès le matin les feux s'allument
Tout le monde est enfumé
Ah mes amis, comme ça fume
Ca fait pleurer tout le quartier
Refrain
Ah, cest que le peleur de prunes,
peleur de prunes
doit être au travail tout le temps
'vail tout le temps
Ah, comme c'est amusant
Remplissons vite nos cannisses
Posons les sur le boulevard
Sans rien craindre de la police
Qui jette un bienveillant regard.
A chaque prune que l'on plume
Un jus tout noir salit les doigts
Et toute rouge sort l'écume
Ca vous colle comme de la poix.
La foire de Lagrand approche,
Le rendez-vous des amoureux,
C'est là que tous les coeurs s'accrochent
Et qu'on échange des aveux.
Pour en revenir au fruit, de couleur bleu-violet et à chair verte, il fleurit fin mars et arrive à maturité fin juillet début août ( link )
Autrefois, les prunes étaient cueillies avant maturités et plongées plusieurs fois (3 fois) dans l'eau bouillante avant d'être mises à sécher sur des claies. Dans les meilleures recettes, la peau et le noyau sont enlevés.
QUELQUES EXPRESSIONS
Il y a déjà longtemps que la prune ne désigne pas que le fruit.
En moyen français, depuis le XIIIe siècle, une 'prune' pouvait aussi être :
- Un coup ("il s'est pris une prune, un pruneau") ;
- De la chance (une bonne aubaine) ou de la malchance (un coup du sort);
- Quelque chose sans aucune valeur ("ne pas valoir prune" voulait dire "ne rien valoir" et "ne preisier/prisier une prune", c'était "n'avoir aucune estime pour quelqu'un"). (°)
(°)Mais pourquoi une prune ne vaudrait-elle rien ? L’on raconte qu’à l’occasion de la seconde croisade qui fut un échec, les Croisés, vers 1150, ramenèrent des pieds de pruniers de Damas dont ils avaient pu se régaler des fruits sur place. Certains ont imaginés qu’ alors qu'ils faisaient au roi le compte-rendu de leur expédition, celui-ci très en colère se serait écrié : "Ne me dites pas que vous êtes allés là-bas uniquement pour des prunes !", sous-entendant "pour rien".
Très tôt, le terme de prune se rapporte bien évidemment à l'eau de vie obtenue à partir du fruit, une eau de vie qui permet assez vite "d'avoir sa prune" (l'ivresse)
Au pluriel, par métaphore, ce sont les testicules . En Lorraine, une "saute-aux-prunes" est une jeune fille de mœurs légères et d'abord facile...
Familièrement, le mot "prune" désigne un coup, une blessure. Cela motive l'extension de sens pour une balle d'arme à feu, en concurrence avec "pruneau". Ce sens est ancien, il s'est étendu au coup de poing.
Et on le retrouve au final dans "avoir de la prune" c'est à dire une frappe puissante (1960).