CENTRALE PHOTOVOLTAIQUE DE MONACO À LEVENS: ET POURTANT QUE LA MONTAGNE EST BELLE…...
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par les perdigones
L’enquête publique actuelle (6 nov >7 dec 2023), avant l’éventuelle acceptation du permis de construire, est obligatoire. Elle porte sur l’impact précis environnemental du projet. Un impact énorme qui ne sera pas compensé. On peut se fonder sur de nouveaux documents, ou bien aller voir sur place.
Il faut aller se promener sur le magnifique site de l’Arpasse. Il fait le bonheur des randonneurs, des vététistes, des promenades en famille comme sportives. En face de la coopérative oléicole de Levens (au fond du vallon comblé de la Cumba*), part sur la gauche un chemin de randonnée. On chemine le long de beaux murs en pierre sèche sur un large chemin caladé.
En une heure tranquille à pied, on est en haut. Un paysage à couper le souffle, une vue à 360 degrés: les sommets enneigés du Mercantour, la Vésubie, la Madone d’Utelle, le Mont Vial, puis le fleuve Var et son embouchure, la mer méditerranée, le Férion, Levens.
En haut sur le plateau à 695 mètres, c’est là que se tient la petite station météo. Les données concernant Levens viennent d’ici, de cet endroit soumis aux vents. A proximité deux tables attendent le promeneur. Ici on n’est pas très haut (695 m) mais le mont est ouvert, et on l’impression d’embrasser l’ensemble de ce vaste et exceptionnel territoire.
23 300 PANNEAUX, 5 825 pieux
De là il faut s’avancer direction Sud-Ouest où s’étend en contrebas une étendue déjà bien rasée (contre le risque incendie avait dit le maire au printemps, ce qui est bizarre c’est qu’elle épouse en partie la zone dédié aux panneaux ). Les panneaux devraient être là. Là, et l’impact tout autour est immense, déborde de toute part. Les 5 ha de la centrale et les 20 hectares de l’artificialisation, c’est le cadeau de Monaco.https://www.euractiv.fr/section/economie/news/blanchiment-dargent-monaco-sur-le-banc-des-accuses
Une emprise impressionnante qu’on peut évaluer si l’on monte avec cartes et plans du projet. 20 HA c'est 200 000 m2, l'équivalent d'une trentaine de stade de foot (de l'Allianz Rivera à Nice). Certes cela ne devrait pas se voir de Levens, mais en face ça va briller souvent. Et de nombreuses communes et points de vue seront affectés.
Quand on sait comment se passe l’installation de panneaux, on comprend que les travaux seront d’ampleur et dévastateurs pour le site. 23 300 panneaux sont prévus. Rien dans l'étude géotechnique sur les pieux, si ce n'est que malgré les forages déjà réalisés, il faudra faire une autre étude. Mais, le sol étant rocheux, on nous annonce d'ores et déjà du bétonnage (Forage et bétonnage).
Dans les documents, il est dit qu'il y aura 1 165 "tables" de 20 panneaux (étude d'impact p 231, dossier destruction espèces protégées p 34).
Ils annoncent 5 pieux par table ( plans p 20). Donc il y aura à minima 5 825 pieux. (Plan dossier demande permis de construire p 20). Sur qu'elle profondeur? Ce n'est pas explicité dans les documents ( mais à Lure, ils font 1,50 m de profondeur,) soit une forêt de pieux, voilà pour le respect de la faune, de la flore, des espèces. « les panneaux n’entrainent pas de pollution » disent ils dans les dossiers, non ils entrainent de la destruction.
On ne veut pas imaginer les oiseaux ( plus de 70 espèces dont près de 50 sont à protéger) et les chauves- souris ( dix espèces, treize espèces, selon les inventaires, toutes protégées) qui s’écraseront sur ce qui de haut ressemblera à une belle étendue d’eau.
Et on ne veut pas imaginer pour toutes les espèces, qu'elles nichent sur le site ou à proximité, ou qu'elles le survolent pour chasser et se nourrir, ce que donnera le bruit des engins, les vibrations, défonçant par ci, passant là où il ne faudrait pas, écrasant, creusant, défonçant.
Quand on est là haut on voit bien que tous les milieux communiquent et penser que seuls les espaces dessinés sur les cartes seraient touchés, c’est bien mal connaître le fonctionnement d’un milieu naturel.
Ce lieu devrait être sanctuarisé, protégé. Et si l’on veut du photovoltaïque, il faut en mettre là ou la consommation est la plus forte, sur la côte où les toitures ne manquent pas, et refuser de sacrifier la première richesse des Alpes Maritimes, sa biodiversité et ses paysages.
Pour maintenir les espèces,
il faut maintenir les milieux naturels en bon état
Ces terrains ont été bradés. Cent mille euros de loyer par an pour la commune et quelques menus avantages promis à une partie de la population locale. Au regard des bénéfices que Monaco va engranger c’est dérisoire. On reviendra ultérieurement sur la partie financière de ce projet , car c’est une excellente affaire pour quelques uns. Et cette braderie a commencée le jour où ces terrains ont été proposés.
Par ignorance, par calcul, on ne sait, mais il est constant dans les documents que la biodiversité a constamment été sous évaluée. La note de présentation du projet (p12) le dit clairement
« Deux problématiques sont au cœur des préoccupations en ce début de XXIème siècle : la lutte contre le réchauffement climatique, principalement dû aux émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), et la raréfaction des sources d’énergie fossile ».
NON ! Ou alors il ne faut pas tenir compte de la 6eme extinction des espèces, des engagements de la COP 15, des recommandations de L’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature) «On ne peut pas maintenir une espèce, sans avoir son milieu naturel aussi en bon état de santé”, a plaidé Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN, à la 15éme conférence des Nations -Unis sur la biodiversité (décembre 2022)
Visiblement ce n’est pas ce qui a guidé les quelques décideurs qui ont choisi le site de l’Arpasse. Pour les critères, et le match présenté dans un rapport (succinct) entre toutes les zones naturelles, il était question d’ensoleillement, de pistes d’accès mais pas d’étude comparative de biodiversité.
Pourtant, les documents officiels disent tous que l’Arpasse est à enjeu écologique très fort. Présenté dans la Trame verte du PLUM (Plan Local d’urbanisme métropolitain), en “réservoir de biodiversité”, avec de nombreuses espèces protégées répertoriés etc. etc. Et c’est bien pour cela que la loi dit qu’il faut prévoir des mesures dite de "compensation". C’est un des critères d’acceptation ou de refus du permis de construire.
Plus de pertes que de gains
Ce ne sont pas les gains financiers que nous évoquons là. Pour cela nous ne nous faisons pas de souci, la mise est minime, par rapport aux gains qui seront réalisés assez rapidement.
Non ce qui à nous, nous importe, ce sont les gains ou les pertes de biodiversité !
Et là encore pour s’approcher d’une vision correcte, la tâche des populations n’est pas facilitée
« Les mesures de compensation font l’objet d’un calcul complexe et au final assez obscur comme souvent avec la méthode d’évaluation des pertes et des gains écologiques. » écrit le CNPN.
Alors nous avons procédé de la manière suivante. Nous avons étudié les tableaux de l’étude d’impact sur l’environnement, (page 309 à page 328) et ceux du dossier de la demande de destruction d'espèces protégées (inventaires p 77 à 131, impacts p 141 à 166, puis suivantes). Et nous sommes sidérés, par le nombre et la variété des espèces qui vont être ou détruites ou dérangées (dérangé implique souvent disparition aussi).
La compensation les prend elle en compte? toutes? Non, elle est seulement ciblée sur 4 espèces, 3 espèces d’oiseau: la Fauvette Pitchou, le Bruant Ortolan, et le Pipit rousseline, et 1 espèce de reptile, le lézard ocellé. Pourquoi quatre et pas les autres ?
Les compensations sont prévues sur deux sites: Terra forte à Châteauneuf Villevieille et à L’Arpasse, mais dans une autre zone. Problème ces zones sont des znieff2 (zones de protection) pour certains et comme le dit le CNPN “le gain écologique est peu convaincant”. En effet la mesure de compensation sera pour l’essentiel du débroussaillage, donc une “pérennité toute relative” et une “ perte non évaluée d’autres fonctions écologiques” (stockage de carbone, pollinisation, résistance aux espèces envahissantes, filtration de l’eau, qualité des sols altérée). Résultat “cette compensation ne sera pas en mesure de contrebalancer ce fort impact des zones impactées par les modules photovoltaïques.”
Notons que ce principe de compensation (qui justifie beaucoup de destruction) est de plus en plus contesté.(Voir le livre "La Croissance verte contre la Nature" (La Découverte 2011) d'Hélène Tordjman. Ce livre rend compte de l'expérience de "compensation" dans la plaine de la Crau, près de l'Etang de Berre. Bilan "mitigé" selon l'auteur, et "impossibilité de reproduire ou re créer dans l'état des connaissances scientifiques actuelles 6 000 ans d'interactions entre plantes, climat etc. "selon le responsable scientifique Thierry Dutoit
Par ailleurs et fondamentalement, il a été demandé une dérogation pour destruction d’espèces. Cela en concerne beaucoup. Leur énumération dans les documents de l’enquête est listé dans les deux documents ci-joints: Levens Arpasse_CERFA 13 614_DEP.pdf et Levens Arpasse_CERFA 13 616_DEP.pdf (voir aussi les principales, 4, et les énumérations en annexe, tout en bas). Et encore il en manque ...
Cette destruction est refusée par le Conseil National de Protection de la Nature. (Les motifs ont été expliqués dans notre article précédent) (lien)
Et puis nous avons étudié les zones à proximité, qui sont toutes répertories comme riches en biodiversité. Elles sont énumérées de la page 117 à 120 de l’étude d’impact
> P 117- "Zones d’intérêts reconnus Znieff de type 1 et de type 2 - dans l’aire d’étude rapprochée (1,5 km)”
> P 118 - "Zone de protection spéciale ( ZPS) et Zone d’Intérêts Communautaires (ZSC) - à proximité entre 500m et 2km”
> P 119- "Six Zones Naturelles d’Intérêt Reconnu (ZNIR) sont répertoriées dans l’aire d’étude immédiate (1 km): -Quinze Zones Naturelles d’Intérêt Reconnu ont été répertoriées dans l’aire d’étude éloignée (7,5 km) ”
> P 120 “Le patrimoine naturel des alentours du projet est remarquable avec de très nombreuses ZNIR --- six ZNIR sont recensées dans l’aire d’étude immédiate (une ZNIEFF de type 1, une ZNIEFF de type 2, une ZPS, une ZSC, une ZICO et un PNR). De plus, 22 ZNIR sont présentes au sein des aires d’étude rapprochée et éloignée (sept ZNIEFF de type 1, neuf ZNIEFF de type 2, deux ZSC, deux APB et deux ENS locaux). “
Et si on rajoute à tout cela la sous-évaluation permanente des impacts, le déclassement arbitraire de la zone du projet, qui ont été soulignés par la MRAE ( Mission Régionale d’Autorité Environnementale) ou encore le CNPN (Conseil National de Protection de la Nature) cela fait beaucoup, cela fait énormément.
La préconisation du SRADDET (Schéma Régional d’Aménagement de Développement Durable et d’Egalité des Territoires ) de mettre les panneaux ailleurs, est d’autant plus justifiée que la séquence Eviter, Réduire, Compenser (ERC) n’est pas correctement exécuté.
Quant à l’étude de la Métropole pour étudier les potentiels mobilisables sur les espaces anthropisés (urbanisés…), est maintenant annoncée... pour 2025. Quel empressement devant l’urgence !
Alors de cette incurie faisons un atout et expliquons (ndlr: les porteurs du projet 🤔)que L’ Arpasse et Levens vont pallier aux difficultés d’approvisionnement en électricité de la Métropole, du Département, et même de la Région... Quel mensonge , quelle idiotie ! Le site de l’Arpasse ne fournira même pas 0,5 % des besoins du secteur Cannes-Nice .
Mais ici on va là où ça rapporte le plus et le plus facilement. La nature est bonne et dans certains lieux, facile à dominer. Peu importe les conséquences pour l’avenir.
Conclusion: une histoire qui se répète
A Levens on a l’habitude des décisions qui ne tiennent pas comptent des lieux. Ainsi fut-il envisagé de construire des immeubles en zone inondable (l’Orte). Devant l’entêtement et le manque de dialogue des élus, il fallut s’en remettre à la justice qui déclara in fine la totalité du lieu en zone rouge inondable. ( tout est lisible sur ce blog).
Quelques années auparavant (2001), c’est un vallon (la Cumba) point de départ du chemin qui mène à l'Arpasse qui a été comblé sur 6000 m² et parfois sur 10 m de haut par des déchets de toute nature, dont certain arrivaient déjà de Monaco. (Tout est lisible sur ce blog)
On recommence avec ce projet de centrale photovoltaïque. Comme les sols, la faune, la flore, les oiseaux , les chauve-souris, les lézards, les papillons etc. etc. ne comptent pas, on choisit (ndlr: les porteurs du projet) cette zone riche en biodiversité pour la transformer en zone constructible pour y installer une centrale photovoltaïque.
Et nous en prenons le pari, cette centrale est le début d’installations qui vont fleurir partout sur les espaces naturels, les démarchages se multiplient…
Pour brosser correctement le tableau faut dire aussi qu’ici on n’est pas n’importe où . Le département des Alpes Maritimes est l’un des plus riche en biodiversité de la France Métropolitaine. Et Levens est au carrefour des influences de la mer méditerranée et des montagnes du Mercantour. Le site de l’Arpasse, en sus, est 300 mètres au dessus de la plaine du Var et de son fleuve.
Vous pouvez avoir des plans d’actions dédiés à certaines espèces particulièrement menacées. Mais cela passe obligatoirement par la conservation des milieux naturels et d’une biodiversité plus large.» a plaidé Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN, en marge de l’ouverture de la COP15. "
Note: toutes les photos de cet article sont issues de différents documents fournis dans l'enquête publique du permis de construire de la centrale photovoltaïque au sol, sur le Mont Arpasse à Levens
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