Centrale photovoltaïque de Monaco à Levens: Avis défavorable à la construction…
Suite à un dossier d’enquête extrêmement argumenté (250 pages), des conclusions et avis motivé (50 pages) la commissaire enquêteur « donne un avis défavorable au projet de construction d’une centrale photovoltaïque sur le site du Mont Arpasse, en commune de Levens. »
Rarement enquête publique n’aura aussi bien mérité son nom.
C’est à une véritable enquête, tant dans l’analyse des documents que dans les interventions des citoyens que s’est livré la commissaire enquêteur à propos de la demande de construction au Mont Arpasse à Levens d’une centrale photovoltaïque.
Une enquête qui ne prend pas pour argent comptant les affirmations des uns ou des autres, passe tout au crible et à l’analyse, énumère et détaille les manques, les absences, les erreurs et découvre d’énormes failles dans ce dossier.
Les critères « risques » et « biodiversité » sous évalués
L’enquête débute par la révélation d’une « inexactitude » (rapport p19) et d’une « incohérence » comme dit pudiquement le rapport.
Contrairement aux affirmations du Maitre d’Ouvrage, ce n’est pas le meilleur des sites qui a été retenu. Pourquoi ? Parce qu’il n’y a pas « de dossier d’études sur sites anthropisés » et donc pas de comparaison possible (l’étude de la métropole diligenté en 2021 ne devrait être produite qu’ en 2024, et après ça ils disent qu’il y a urgence!)
Une incohérence, voire plus. Dans le classement qui valide le site de l’Arpasse comme le meilleur, il y a erreur. Cette « incohérence » c’est tout simplement que le calcul des différents critères et de leur notation est faux. Et cela est patent pour la note risque. Ainsi dans le tableau « Classement des unités foncières de plus de 5ha mobilisables après évaluation » la note attribué au risque est 3 à savoir « non exposé » or dans l’évaluation d’impact elle est de 0, à savoir fort (p 20 du rapport sont cités tous les enjeux forts).
Voir aussi page 13 de l’Avis où il est rappelé l’importance du risque incendie sur la commune (DICRIM 2018). Et pourtant il y a suppression du plan de prévention des risques incendies en 2021, alors que celui ci avait été prescrit en 2003. Alors qu’une partie de la commune voisine de Saint Martin en limite de la commune de Levens est en zone rouge du PPRIF.
Sur la biodiversité, le secteur a été morcelé ce qui permet de justifier la note 3 (non exposé) alors que dans la réalité « un site naturel ne saurait être morcelé de la sorte » (p23)
Conclusion du commissaire enquêteur « cette incohérence …..invalide en conséquence l’ensemble de ce classement »
Minoration des impacts
Ca commence mal, et la suite n’est pas mieux. Ainsi de la page 28 à la page 86, le rapport annonce « Comme il sera établi au travers des exemples concernant le paysage, la faune et la flore, les impacts de la Centrale ont été largement minorés »
Et durant des pages sont démontrés la vraie hauteur des impacts. Et c’est catastrophique:
- Pollution atmosphérique, pollution sonore pas évaluées correctement. Par exemple la survie et la reproduction des oiseaux est tout simplement en question (ce sont les animaux les plus étudiés en terme de bio acoustique)
- 4 000 m3 de mouvements de terre rien que pour les tranchées avec de nombreuses conséquences néfastes
- Surfaces impactées par les élagages ou débroussaillement 233,69 ha (site du projet, obligation légale de débroussaillement, mesures de compensation site du mont Arpasse, et site de Terra forte)
- Destruction quasi totale d’une euphorbe qui ne se trouve presque plus sur le territoire, qualifiée dans le dossier « d’impact très faible à modéré ». Idem pour la lande basophile xérothermophile méditerranéenne.
- Effet en cascade de la pollution sonore sur l’avifaune
- Minoration des impacts sur la Magicienne dentelée, sur le lézard ocellé, sur les chauves-souris lucifuges (rapport p39)
- Impacts de 200 engins sur le sol, sur la végétation
- Pollution du sol et de l’eau (rapport p40)
- Pollution de l’air, pollution lumineuse.
Bref le rapport énumère pendant des pages et des pages toutes ces sous évaluations négatives avec force détails et en se plaçant au plus prés de la réalité.
Un exemple, en page 47 sont énumérés les engins nécessaires à la construction de l’installation ainsi que les décibels lors de leur utilisation. C’est énorme: 132 toupies à béton: 108 décibels, 23 camions semis remorques: 80 à 95 décibels, 6 pelles, 2 foreuses, 6 rouleau compresseurs...etc. etc.
Et en regard, les publications scientifiques, les études qui ont évalué les dégâts environnementaux momentanés et définitifs en pareille situation. Pendant le chantier, et après, en phase d’exploitation (p 48 et suivantes): « L’absence de prise en compte de ces données au niveau de l’étude d’impact infirme les conclusions du MO concernant les incidences du projet sur la biodiversité et explique l’absence de mesures d’évitement, de réduction, de compensation qui auraient dû figurer au niveau de la séquence ERC » relève la commissaire enquêteur.
Ce qui est grave car si toutes les nuisances, les incidences ne sont pas prises en compte, il n’est pas possible de les éviter voire de les compenser dans la séquence ERC. (Comme le demandait la précédente enquête publique)
Participation citoyenne et associative
Le détail de la participation est résumé p8 de l’avis. Au niveau associatif, 24 associations ont contribué à l‘enquête. 23 ont donné un avis défavorable argumenté et seule "Vert Azur" un avis favorable.
Il y a eu 226 avis de citoyens, 82 favorables, 144 défavorables. Cependant comme les intervenants se sont exprimés plusieurs fois sur le projet, ce sont 511 avis qui ont été analysés.
"Les avis favorables (contrairement aux avis défavorables) ne sont pas la plupart du temps argumentés."
"Au niveau des avis défavorables au projet , aucun ne conteste la nécessité de réduire notre empreinte carbone, ou l’importance des EnR (énergies renouvelables) dans ce domaine."
Les failles du dossier
C’est le titre de la 4eme partie de l’avis (de la page 23 à 41) . Sans rentrer dans le détail, (mais on conseille aux lecteurs de s’y plonger, c’est très instructif de l’analyse d’un projet), on relève tout à la fois:
- l’absence de prise en compte du bilan carbone,
- l’incidence environnementale dans le temps de la modification des milieux naturels altérés par la construction et l'exploitation de la centrale (il faudra 4 décennies voire plus pour reconstituer un stock de matières organiques),
- l’absence de prise en compte de la pollution sonore et de ses dégâts sur l’avifaune,
- la pollution atmosphérique, pas prise en compte non plus.
« Ces pollutions même si elles avaient été étudiées, n’auraient pas pu faire l’objet d’une minoration au travers d’une démarche ERC, car elles sont consubstantielles au projet » (page 34 Avis).
Parmi ces « failles » soulevées par le commissaire enquêteur, il y a ce tableau (p 36 Avis) où d’un côté sont listés les lois cadres, les règlements, les normes, et en face leur prise en compte au niveau du projet. Le moins que l’on puisse dire c’est que ce n’est pas terrible, dit autrement ce projet s’affranchit de beaucoup de règlements.
La commissaire enquêteur revient sur l’enquête publique précédente en s’interrogeant sur la prise en compte par le MO des conclusions. Et sa démonstration aboutit à « la réserve n’a pas été levée », « la recommandation n° 1 n’a pas été prise en compte » et « la prise en compte de la recommandation n° 2 ne me semble pas factuelle ». Ce qui invalide l’avis positif de la première enquête .
Les risques pour BAUs ROUx
Cela avait été soulevé par des associations et des citoyens. Qu’en est-il des risques pour ceux qui se trouvent en dessous de la falaise à l’aplomb de la zone impactée par la centrale ?
L’avis de la commissaire enquêteur sur ce point est catégorique, « c’est le point inquiétant de ce dossier ». (p 44 Avis)
« C’est l’ensemble des risques qu’il fait peser sur les personnes et les biens » (ruissellement inondation, chutes de blocs et /ou de pierres, éboulement en masse, glissement de terrain, affaissements, effondrements).
D’autant « qu’au bas de cette falaise se trouvent des habitations, une mairie annexe, et une aire de jeux pour enfants ». Il existe bien un rapport d'hydrogéologue qui liste les travaux qu'il conviendrait de faire, mais "qu'elle seraient les conséquences lors d'un épisode cévenol?" …"Ces travaux seraient ils garants pour la sécurité des biens et des personnes? quel impact environnemental de ces réalisations?" (p 60 rapport). Impossible à dire car ce point inquiétant n’a même pas été pris en compte dans le dossier d’enquête.
Raison impérative d’intérêt public majeur
Au regard de très nombreux critères (comme énoncé dans le rapport et l’avis de la commissaire enquêteur), ce projet n’est pas défendable et n’a pas lieu d’être. Ni d’un point de vue environnemental, ni d’un point de vue de la production ridicule d’électricité (0,31% de PACA), ni d’un point de vu de la réduction des émissions de gaz à effet de serre, ni par rapport à un impact positif pour le climat.
Le bilan carbone est anecdotique. Par contre les conséquences du chantier et de la centrale seraient « délétères au regard des services éco systémiques rendus par ces territoires, au premier rang desquels la séquestration de carbone, et la production d’oxygène ».
Quant à l’indemnisation monétaire de la commune elle paraît dit la CE « dérisoire par rapport à ce qu’elle sacrifie »
En 4eme point de son avis la CE écrit « il m’apparait que la réserve émise par le commissaire enquêteur en charge de l’enquête DP MEC (ndlr- la première enquête publique visant à modifier le zonage, de naturel à constructible) ne puisse être levée. »
Et donc « la réalisation de ce projet sur ce site ne me semble donc pas répondre à une raison impérative d’intérêt public majeur »
POST SCRIPTUM
A fin de lisibilité, cet article n'aborde volontairement pas toutes les questions analysées. On ne saurait que conseiller de se plonger dans l'intégralité du rapport d'enquête et de l'avis associé, tant ce dossier cumule de problèmes.