Des pierres et des hommes

Publié le par les perdigones

 

        Difficile d'imaginer un paysage méditerranéen sans oliviers et sans restanques en pierre sèche.



    En Provence, comme en Sardaigne ou dans les Pouilles, en Espagne comme en Corse ou sur les îles grecques, la pierre sèche est partout, du plus petit muret à la cabane de champs, elle marque les paysages depuis des millénaires.

    


     Dans ces terres très caillouteuses, pas d'autre choix pour rendre la terre plus arable, que d'en sortir les cailloux, générations après générations. Cailloux qui serviront, directement sur place à façonner des enclos, marquer des limites de parcelles (pierriers), construire des abris de toutes formes et de toutes tailles, cabanes des champs ou des bergers, bastidons, huttes, ciabots.

 

Des vestiges pas si anciens



          Nombre de termes sont mal usités, nombre d'explications dites « historiques » sont approximatives et ne reposent sur aucune recherche sérieuse. Ainsi les « bories » de Provence. Un terme introduit par les « flolkloristes » à la fin du 19° qui y voyaient  à tort  des vestiges beaucoup plus anciens qu'elles ne le sont en réalité.

           
          Christian Lassure et le Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Architecture Vernaculaire (CERAV) ont constitué depuis 30 ans une vaste base de données et de publications sur  l'architecture de pierre sèche et ses utilisations, une mine  de renseignements et de témoignages ( voir leur site link )

 

           Pas grâce pour l'approximation, il décortique et assassine les explications "pseudo-historiques" et autres interprétations terminologiques erronées, colportées par ceux qu'il nomme, avec souvent une dent très dure: les « archéomanes. »... link et link



  Une adaptation au terroirs


           Issues d'une nécessité, les constructions en pierre sèche ou « à pierre sèche »  encore visibles sont, pour leur plus grande part, issues du grand mouvement d'expansion agricole des 18° et 19° siècle (même si certains vestiges remontent parfois jusqu'au moyen âge).  Elles ne seraient pas complètes sans  les ruchers (apiès) nichés dans les murs, ni les aiguiers (citernes), témoignages de l'inventivité des hommes dans leur adaptation au terroir qu'ils occupaient.



Apiè de Cornillon-Confoux, dans les Bouches du Rhône.  Il mesure 60m de long et comporte 55 niches pour les ruches.


          Un travail remarquable a été fait  par l'association « Alpes de lumière », fondée en 1953 en Haute Provence, par Pierre Martel, ( pour voir le site alpes de lumière  link )

         Dés ses premières années d'existence, l'association s'est attachée à « tirer de la lecture de ces pierres sèches, toute une série de leçons de choses - physiques, géologiques, technologiques- et de leçons de territoires de l'homme ». Plutôt que de cultiver l'insolite, l'étrange et le mystère , ces passionnés, « en décrivant et en analysant murs et cabanes » s'attachent « à reconnaître le plus que nous, humains, sommes capables de donner à un tas de pierres tel que le livre la nature; et néanmoins la docilité avec laquelle nous avons pu nous intégrer dans cet nature ».

 

 Des ouvrages éphémères

 


L'architecture en pierre sèche, contrairement à la pierre de taille est une architecture éphémère, fragile, elle nécessite des soins constants, chaque année remettre en place la pierre tombée ou déplacée, stabiliser réduire les tassements anormaux, les « ventres » qui se forment. link

 

           Et si les cabanes de bergers et autres constructions en pierres sèches, éléments de patrimoine incontestables tendent à disparaître, par défaut d'usage, il ne saurait en être autant des murets, éléments indispensables, aujourd'hui aussi.

 

De l'utilité des murets

 

 

          Partout dans le monde, depuis des millénaires, les murets ont façonné les paysages, soutenant les terres cultivées, créant des sols plats sur des terrains en pente. Mais en méditerranée, plus que partout ailleurs ils sont  devenus  indispensables et pas uniquement pour le plaisir des yeux ni pour la commodité des agriculteurs ou des bergers.

 

        L'âge d'or des planches, bancau et autres restanques se situe dans le sud de la france au 17éme et 18 éme, peu de collines des moyens pays et hauts pays y échappaient.

          Aujourd'hui, elles aussi sont abandonnées et la végétation petit à petit reprend ses droits, quand ce ne sont pas les murs de soutènement en béton qui les remplacent.

          Et c'est bien là le problème

 


Indispensables dans la région

 

         Dans notre région - à forte activité sismique - le mur de béton se lézarde, pas celui de pierre sèche. Et lorsqu'il finit par tomber, souvent après des années, voire des dizaines d'années, il est immédiatement recyclable. Pas de déchets, pas de transport de matériaux pour la mise en oeuvre d'un nouveau mur – juste quelques paires de bras et du savoir faire...mais cela nous le verrons un peu plus tard...

 

         Mais ce n'est pas là le seul atout  du mur de pierre sèche. En pays méditerranéen où les périodes de sécheresse alternent  avec des pluies soudaines et violentes, ils sont reconnus comme  indispensables. Ainsi, Sébastien Giorgis, achitecte paysagiste: «  les terrasses cultivées représentent le modèle le plus abouti des paysages façonnés par l'homme. Dans un contexte agricole rendu difficile par la pente, le climat et l'hydrologie, ces aménagements permettent de lutter contre l'incendie et l'érosion des versants méditerranéens  en facilitant le drainage des parcelles » (pour la revue pays de provence).

 

Une nécessaire restauration


        Oui mais voilà, laissées à l'abandon depuis des années, envahies par les arbres, éboulées par le passage des sangliers, ou pire encore les débroussaillages mécaniques, ce qui faisait la beauté de nos paysages devient peau de chagrin.

        Les conséquences ne sont pas anodines,  l'abandon des terrasses signifie déstabilisation des pentes et ravinement, un phénomène de plus en plus visible.

        

        Bien que reconnues, elles ne le sont souvent que comme « patrimoine culturel » (...Pos de levens »). Et cela s'arrête là, peu d'explications sur la nécessité de les préserver, peu d'incitation à les remettre en état, ni de dispositions dans les textes réglementaires. Pire certains POS (Plan d'Occupation des Sols) visant à « habiller les murs de soutènement façon pierre sèche » accélèrent la destruction de ceux qui restent – cycle infernal de l'ignorance et du vandalisme -

 


          A l'Orte les murs en pierre sèche sont omniprésents et les restanques joue leur rôle de nécessaire drainage des eaux. De combien pèse ce savoir et ce patrimoine face au bétonnage prévu ?

 

 

           Dans un prochain article, des pistes pour apprendre ou réapprendre les bases de la restauration ou de la construction des murs en pierre sèches: des  règles et des gestes simples à la portée de tous.


  En attendant:

  • Deux sites à visiter sur les apiès ou « murs à abeilles » link et  link
  • Deux ouvrages parmi les nombreux livres édités par « Alpes de Lumière » link

 

 


 

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B
Bravo, très intéressant. Si vous n'y voyez pas d'inconvénients j'ai envie de mettre un lien afin de faire partager ces deux articles.
Répondre
L
Pas de problème nous sommes pour le partage d'infos; Merci pour votre appréciation.