L'Orte est bien inondable, de même risque, de même zonage (rouge inconstructible) sur toute son étendue.
La plus haute juridiction du pays, le Conseil d'Etat a tranché* et vient en effet de définitivement donner raison à l'association « les Perdigones » et à Ariane Masséglia et d'établir ainsi une nouvelle jurisprudence.
La dernière étape de ce marathon vient de s'achever lamentablement pour tous ceux qui ont voulu à tout prix rendre constructible une zone inondable.
En vain.
AUCUN MOYEN SERIEUX
La justice est ainsi faite que selon l'article L.822-1 du code de justice administrative « le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux ».
Or suite à l'examen du dossier et de la demande du ministère, les juges ont suivi* les conclusions du rapporteur public, Mme Suzanne Von Coester à savoir « le moyen (du ministère) n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ». *Décision rendue en séance publique le 16 décembre 2016.
C'est dire que le jugement en appel de Marseille ne pouvait être contesté en droit.
C'est dire aussi qu'il n'y a jamais eu d'argument valable à opposer à l'inondabilité totale et identique du secteur de l'Orte .
Et juste retour des choses, désormais existe une jurisprudence qui reprend ce jugement . Ce qui veut dire que l'on peut s'appuyer sur cet exemple pour défendre l'idée que sur un même secteur, à risque semblable, l'on ne peut en sortir une partie…... pour la rendre constructible.
DIX ANS POUR FAIRE TRIOMPHER L’EVIDENCE
L'histoire de ce long combat peut se lire sur ce blog (voir aux rubriques inondations et urbanisme).
Tout ce qui y est dit, écrit est sourcé. On y trouve à tout moment des documents, photos, vidéos, rapports d'expertise, comptes rendus de réunions, références aux textes officiels.
On y trouve aussi de la part de quelques personnes (maire de Levens, élus de la métropole, relais dans l'administration) un refus total de prendre en considération ce qui leur était mis sous les yeux : cet endroit était le plus mal choisi pour y implanter des immeubles, à fortiori des logements sociaux.
Ce refus du dialogue (pas une seule réunion possible ni avec la mairie, ni avec la métropole Nice Côte d'Azur) s'est accompagné de toutes les manipulations possibles, et pas dans la dentelle. Des accusations graves ont été portées (comme d'inonder délibérément les prés de l'Orte par exemple). Mais contrairement à ce que pensaient certains, cela a renforcé la détermination et l’envie de faire triompher l'évidence, de comprendre aussi pourquoi autant d'entêtement.
LES RAISONS DE LA DETERMINATION
Tout a commencé par trois scènes significatives.
- La première se déroule au tout début de l'enquête de terrain, préalable à l’élaboration du plan de prévention des risques inondations en 2004/2005.
A une enquêtrice qui relevait des éléments concernant les inondations, il a été proposé de fournir des photos, et de raconter ce que des habitants de longue date des lieux avaient connu et vécu. Jamais il n'a été fait suite à cette proposition...
- La seconde a lieu en séance du conseil municipal de Levens en décembre 2007.
Lorsque le Maire Antoine Véran informe que suite à la signature d'une convention avec l'Etablissement Foncier PACA (EPFR), la mairie a préempté des terrains à l’Orte à fins de constructions. Ariane Masseglia qui siège alors à ce conseil demande que soit effectuée une étude des lieux comme la convention le stipulait. Refus et début d'une campagne de dénigrement.
- Troisième temps, les terrains sont vendus par des propriétaires privés à l'EPFR qui les achète au prix du constructible.
Certains ont fait une culbute financière impressionnante, sur le dos de la collectivité. Par exemple les Perdigones signalaient dans un tract en 2008 qu’une colistière du maire avait acquis des terrains « il y a tout juste 10 ans et les revend jusqu’à 15 fois plus cher aujourd’hui ».
Il semblait évident dés lors, que le maire, qui avait fait acheter ces terrains avait tout intérêt à ce qu'ils soient constructibles, envers et contre tout…
Que valent réellement les terrains achetés il y a 9 ans par la collectivité 100 € du m2: 1€ ? 2€ ?
UN CONTEXTE GEOPOLITIQUE PARTICULIER
La stratégie du Maire était simple, Haro sur les Perdigones, sur tout ce qui s'opposait à lui.
Cette commune a une particularité politique, les maires y ont une longévité remarquable. Ainsi Joseph Raybaud a été le plus jeune maire de France et a tenu le record de longévité politique en restant maire 62 ans (de 1929 à sa mort en 1991). Son fils, que les levensois sont allés chercher, lui a succédé trois ans, puis a démissionné, et c'est Antoine Véran, conseiller municipal de son équipe, qui a repris le flambeau depuis 1994. Pareille prégnance sur le pouvoir n'est pas sans cause et conséquences. Elle va de pair avec une toute puissance sans partage.
Une autre particularité, va jouer un rôle : la géographie. Levens est à 20 km de Nice et du littoral de la Côte d'Azur et dispose d'une superficie de près de 3000 hectares.
A l'époque où le Moyen Pays devenait attrayant, Antoine Véran a su en tirer profit. Il a accompagné et accéléré le mouvement d'urbanisation de cette commune qui est passé de 1800 habitants en 1980 à plus de 5000 aujourd’hui (plus 19, 6% d'augmentation de 1999 à 2006). Rendant constructible de nombreux terrains il a ainsi permis l’enrichissement et la reconnaissance de ceux, et ils étaient nombreux, qui en profitaient.
Cela s'est fait sans grande réflexion sur l'aménagement du territoire et avec un gaspillage énorme de l'espace.
Alors pourquoi se préoccuper de l'eau de l'Orte ou du fait que cette terre soit l'une des rares terres arables restantes de la commune.
Ce n'était pas dans la tradition locale, très centrée sur des intérêts personnels, à court terme.
TORSION DE LA REALITE
Au fur à mesure de cette histoire (locale mais pas que) on a découvert et expérimenté ce qui faisait un peu « l'esprit de l'époque » comme disait le philosophe Hegel. Ainsi de la torsion de la langue et de la logique.
Alors que la vente des terrains ne satisfaisait que des intérêts personnels, il a été dit à l’envie que ceux qui alertaient ne le faisaient que par intérêt personnel. De même à propos des risques. Il relevait de l'intérêt général de maintenir cette surface en zone d'expansion des eaux. Imperméabiliser ici accentuait le risque en aval et menaçait biens et personnes.
Ce maire qui n'avait pas bâti un seul logement social pendant des années, n'avait tout à coup que ce mot à la bouche pour justifier des constructions à l'Orte. (Ce qui a eu pour effet boomerang de doublement choquer le rapporteur public, lors de l’audience en appel du PPRI au tribunal de Marseille.)
Il aurait été normal, de la part des autorités, de rendre tout transparent, mais elles ne le feront pas. Il faudra que ce soit les Perdigones qui publient les rapports d'expertises, les comptes rendus de réunions où il se négociait un arrangement du PPRI pour que le projet du maire puisse se faire malgré les risques : un arrangement entre un responsable des services de l'Etat et le Maire, contre l’intérêt général.
Et que dire de cette modification illicite, par les services de l’Etat censés donner l'exemple, de la définition de la zone rouge entre les documents de l'enquête publique et ceux du PPRI définitif, tentative de minimiser les risques à l’Orte…
LE PLU DE LEVENS EN APPEL
Il ressort de cette bataille que faire respecter par les autorités les textes et règlements n'est pas facile. Mais c'est possible.
On ne va pas de gaieté de cœur en justice et c'est souvent le constat d'un échec. Quelques élus savent le pouvoir qu'ils tirent de leur prérogative sur l'aménagement. Tant qu'il n'y aura pas d'autorités suffisamment indépendantes qui président à ces questions, conflits d'intérêts, clientélisme, petits arrangements entre amis continueront, au mépris de l’intérêt général et des fondements démocratiques.
C'est parce que les Perdigones et quelques habitants de la commune ont constaté que les préalables, les justifications des choix énoncés dans la présentation du Plan Local d'Urbanisme de la commune n'étaient, selon eux, pas respectés dans les zonages et le règlement, qu'ils ont décidé de faire appel du jugement de première instance du tribunal administratif de Nice, qui les avait débouté.
Après échange de nombreux mémoires entre eux et la Métropole Nice Côte d'Azur, ce dossier devrait être appelé prochainement, lui aussi, au tribunal de Marseille.
De son côté, le maire, lui, persiste dans sa volonté d’urbanisation galopante. Cette fois dans un nouveau quartier, dit « des Traverses ». De nouveau le prétexte des logements sociaux (une cinquantaine annoncés dont des appartements en résidence retraite), pour justifier le déménagement forcé de la coopérative oléîcole, et la construction d’une centaine d’autres appartements, pas sociaux du tout, et de 1800 m2 de surfaces commerciales.
A suivre…
"D'abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent, et puis vous gagnez"
bibliographie de nos articles précédents au sujet du risque inondation à l'Orte:
et bien d'autres sur le risque inondation à retrouver dans la rubrique "inondations"
http://www.aht.li/3007399/NM26_novembre_p11_web.pdf